dimanche 13 juillet 2008

The Criminal Code / Le Code Criminel (1931) d’Howard Hawks

        Esquissé et préfiguré par des films comiques[1] et par L’Assommeur (1929) de Joseph Von Sternberg, le film de prison, sous-genre du crime movie américain, naît vraiment au tournant des années 30, avec l’avènement du parlant. The Big House (1930) de George W. Hill, produit par la MGM, est considéré comme le premier film du genre. Comme si les studios voulaient riposter, sortent ensuite Numbered Men (1930) de Mervyn LeRoy, produit par la Warner et Le Code criminel (1931) d’Howard Hawks, produit par la Columbia.


        Si Scarface (tourné en 1930, mais distribué en 1932) devait beaucoup aux Nuits de Chicago (1927) de Joseph Von Stenberg, Le Code criminel semble, lui, beaucoup devoir à un autre film de Stenberg, L’Assommeur (1929), et surtout à The Big House (1930) de George W. Hill qui, comme le disait lui-même Hawks[2], « l’a[vait] fait mieux que moi ». Mais à propos de l’influence qu’avait exercée Scarface sur Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola, Hawks déclarait aussi : « Comment parler de vol ? Je vole autant que n’importe qui, alors je ne peux pas les blâmer »[3].
        Donc, contrairement à ce que l’on pourrait penser, de même que Scarface n’est pas le premier film de gangster, Le Code criminel n’est pas le premier film de prison. Profitant généreusement de bases préalablement instaurées, ces deux films confortent l’installation des genres et, en assimilant leurs règles, ils en deviennent d’excellents modèles, des films moteurs.

        En effet, Le Code criminel est un film très caractéristique de ce presque genre qu’est le film de prison. On y retrouve des lieux associés à des possibilités narratives : la lugubre et petite pièce sans lumière où l’on enferme seul le détenu suite à une désobéissance ; le parloir et la séance de la visite ; l’usine où le prisonnier peut travailler, liée au bruit et menant à l’aliénation ; les discussions à voix basse dans la cantine située dans un grand hall ; les marches en rangs puis, la longue pause dans la cour ; la confrontation avec le directeur de la prison dans son bureau…
        On assiste aussi dans Le Code criminel à d’autres inévitables scènes du film de prison telles que le meurtre d’un mouchard par les autres détenus, le dur traitement d’un garde sadique, l’insubordination des prisonniers qui chahutent, criant et cognant leurs quarts contre les barreaux de leurs cellules, refusant d’obéir aux ordres ou encore l’évasion, sa préparation et son déroulement.

        Adapté d’après une pièce de théâtre de Martin Flavin[4] par les scénaristes Seton I. Miller[5] et Fred Niblo, Jr., le fils du réalisateur de grands films muets, Le Code criminel est pourtant un film très réaliste sur le monde carcéral. Hawks aurait même tenu à ce que d’authentiques détenus jouent leurs propres rôles. Quant au choix des acteurs, Boris Karloff (qui jouait aussi dans Scarface) a été repris pour le rôle qu’il tenait déjà à Broadway, celui d’un détenu inquiétant rendant parfois quelques services de barbier. L’année suivante, il allait se révéler avec le rôle de la créature de Frankenstein dans le film de James Whale et celui du diabolique Fu Manchu dans Le Masque d’Or de Charles Brabin.
        Phillips Holms[6] joue Robert Graham, jeune homme qui se retrouve en prison pour avoir tué en légitime défense le fils du procureur chargé du procès. Le cynique procureur (interprété par Walter Huston[7]) à la sempiternelle devise « Œil pour œil, dent pour dent », n’est autre que le futur directeur de la prison dans lequel Robert sera envoyé. Pour ajouter encore plus de malchance pour notre héros, Robert tombera d’ailleurs amoureux de sa fille (Constance Cummings).

        Le Code criminel a beau être un film de genre sérieux, voulant dénoncer les dures conditions de vie carcérale, on y perçoit déjà la modernité d’Hawks, consistant à tourner en dérision les genres classiques par le biais de la comédie comme il le fera si bien plus tard. En effet, au tout début du film, deux policiers chargés d’interpeller Robert ne cessent de se chamailler à propos d’un pari, la culpabilité du jeune homme ne les intéressant nullement. Préférant la comédie et jouant sur les nerfs du spectateur pendant au moins cinq bonnes minutes, Hawks se détache alors d’une histoire qui semble peu lui importer. Il n’en sera pas de même pour la suite du film.


        Troisième film parlant d’Hawks, Le Code criminel est un film de prison convaincant bien qu’il ait un peu vieilli. Le film connut un grand succès et marqua une étape importante dans l’histoire du genre si bien qu’il donna lieu plus tard à deux remakes, toujours par la Columbia : Prison centrale (1938) de John Brahm et La Loi des Bagnards (1950) d’Henry Levin, avec Glenn Ford et Dorothy Malone.

13.07.08.



[1] Charlot s'évade (1917) de Chaplin, Derrière les barreaux (1929) de James Parrott avec Laurel et Hardy et The Chain Gang (1930), un cartoon de Disney
[2] In Hawks par Hawks (1987) de Joseph Mc Bride, page 215.
[3] In Hawks par Hawks (1987) de Joseph Mc Bride, page 210.
[4] Martin Flavin avait déjà participé au scénario de The Big House (1930) de George Hill. Notons d’ailleurs que Le Code criminel reprenait aussi les décors de la prison de The Big House, spécialement prêtés par la MGM.
[5] Seton I. Miller collabora à huit reprises avec Howard Hawks qu’il a accompagné lors de son passage du muet au parlant depuis Prince sans amour (1927) jusqu’à La Foule hurle (1932), à l’exception de L’Affaire Manderson (1929).
[6] Phillips Holms connut son heure de gloire en participant au début du crime movie américain avec des films tels que Une Tragédie américaine (1931) de Joseph Von Stenberg, produit par la Paramount, Night Court (1932) et Penthouse (1933) de Woody S. Van Dyke, produits par la MGM, ou encore Million Dollar Ransom (1934) de Murray Roth, produit par la Universal.
[7] Walter Huston retrouvera Howard Hawks pour Le Banni (1943).