dimanche 21 décembre 2008

Notre-Dame de Paris (1956) de Jean Delannoy


        Après le succès de Marie-Antoinette en 1955 avec Michèle Morgan, Jean Delannoy se lance de nouveau dans une grande production de film à costume en adaptant Notre-Dame de Paris, le roman de Victor Hugo. Première version en couleurs et en cinémascope, le Notre-Dame de Paris de Delannoy est un film caractéristique de la Qualité française en ce sens que c’est un film extrêmement soigné et travaillé.


        Le Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy est tellement représentatif des grandes superproductions françaises de l’époque qu’il était alors apparu à ses détracteurs comme la quintessence de la Qualité française. En effet, il fut plus particulièrement sujet à une critique de la part du jeune François Truffaut dont ce film était la bête noire.
        Tout d’abord, comme de nombreux films de la Qualité française, Notre-Dame de Paris est l’adaptation d’un grand classique de la littérature française. Après que d’autres aient revu Zola, Stendhal, Maupassant ou Dumas, Delannoy s’attaque donc au roman grandiloquent de Victor Hugo. Comme souvent, la tâche de l’adaptation est confiée à de talentueux scénaristes : il s’agit en l’occurrence de Jean Aurenche (sans Pierre Bost) et de Jacques Prévert (pour les dialogues). Ces derniers ne changent pas vraiment le sens de l’œuvre originale même s’ils livrent un portrait de Quasimodo sûrement plus humain que dans d’autres versions.

        Ensuite, il s’agit d’une grosse coproduction internationale franco-italienne, produite par les frères Hakim. A côté des stars étrangères Gina Lollobrigida (Esmeralda) et Anthony Quinn[1] (Quasimodo), on trouve de nombreux grands acteurs français de l’époque, des seconds rôles connus et quelques « guest-stars »: Alain Cuny (Frollo), le chanteur Philippe Clay, Boris Vian, Jacques Dufilho, Albert Rémy…


        Le film est évidemment intégralement tourné en studios (ceux de Boulogne). La reconstitution du parvis de Notre Dame est à ce titre très convaincante. En fait, tout est fait pour impressionner : les couleurs, les décors somptueux, les nombreux costumes, les milliers de figurants. Il faut dire que Jean Delannoy, spécialisé dans les films exotiques [Tamara la complaisante (1937), La Vénus de l’Or (1937), Le Paradis de Satan (1938), Macao, l’enfer du jeu (1938)] et les films de reconstitutions [Pontcarral colonel d’empire (1942), Le Bossu (1944), Le Secret de Mayerling (1948), Marie-Antoinette (1955)] a de l’expérience.
        Delannoy s’est entouré d’excellents techniciens : le directeur de la photographie Michel Kelber [Zouzou (1934) de Marc Allégret, Le Rouge et le Noir (1954) de Claude Autant-Lara, French Cancan (1954) de Jean Renoir…], le compositeur George Auric [collaborateur régulier de Jean Cocteau, de Delannoy, A Nous la Liberté (1931) de René Clair, Le Salaire de la Peur (1953) d’Henri-Georges Clouzot, Du Rififi chez les Hommes (1955) de Jules Dassin, Lola Montès (1955) de Max Ophuls, Gervaise (1956) de René Clément…].

        Cependant, malgré tous les efforts mis en œuvre, Notre-Dame de Paris de Delannoy n’est pas un film très entrainant. Cette version détient ses qualités propres ainsi que de bonnes séquences (la danse d’Esmeralda, le supplice de Quasimodo, l'attaque de Notre Dame par l'armée des gueux…) mais elle reste une véritable illustration du roman, assez sage et n’apportant rien de nouveau. Dès lors, la question de l’intérêt de cette énième adaptation du roman d’Hugo se pose.
        Parmi la quinzaine d’adaptations du roman d’Hugo, on peut en effet citer les plus connues : Notre Dame de Paris (1923, muet) de Wallace Worsley, avec Lon Chaney, Quasimodo (1939) de William Dierterle, avec Charles Laughton et Maureen O’Hara ou le dessin animé de Walt Disney (1996) de Gary Trousdale et Kirk Wise.


        Le Notre Dame de Paris de Delannoy est donc une bonne version cinématographique du roman d’Hugo. Sans être passionnant, il se laisse voir avec plaisir. En tout cas, il plût beaucoup lors de sa sortie puisqu’il fut la seconde meilleure recette en France de l’année 1956 avec plus de 500 000 spectateurs. Après ce succès phénoménal, Delannoy allait réaliser Maigret tend un piège (1957), premier film de la série des Maigret avec Jean Gabin dans le rôle titre.

21.12.08.
[1] Anthony Quinn avait déjà joué en 1954 dans deux coproductions italiennes : Ulysse de Mario Camerini et Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisci.